Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame Trevor. J’allai le voir. C’était un très beau garçon, le plus entiché de sa figure que j’aie jamais vu ; il passait trois heures à se faire coiffer, tenant un miroir en main, pour diriger lui-même la disposition de chaque cheveu. Du reste, il ne manquait pas d’esprit, et avait, en littérature ancienne, assez de connaissances, comme presque tous les jeunes anglais du premier rang. Sa fortune était très considérable, et sa naissance distinguée.

Il s’appelait Edmund Lascelles ; il a été membre, mais assez obscur, du parlement. J’allai donc le voir : il me reçut avec politesse, mais sans paraître avoir conservé le moindre souvenir de notre liaison précédente. Cependant, comme dans le cours de notre conversation il me fit quelques offres de service, et que j’avais toujours en tête mon voyage dans les provinces de l’Angleterre, je lui proposai de me prêter cinquante louis. Il me refusa en s’excusant tant bien que mal sur l’absence de son banquier, et sur je ne sais quels autres prétextes. Son valet de chambre, honnête suisse qui connaissait ma famille, m’écrivit pour m’offrir quarante guinées. Mais sa lettre, remise chez moi pendant une