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comme M. de Sainte-Croix se jeta sur moi, j’en répandis plus de la moitié par terre. On fut fort effrayé. On me fit prendre des acides pour détruire l’effet de l’opium. Je fis ce qu’on voulut avec une docilité parfaite, non que j’eusse peur, mais parce que l’on aurait insisté, et que j’aurais trouvé ennuyeux de me débattre. Quand je dis que je n’avais pas peur, ce n’est pas que je susse combien il y avait peu de danger. Je ne connaissais point les effets que l’opium produit, et je les croyais beaucoup plus terribles. Mais d’après mon dilemme, j’étais tout à fait indifférent au résultat. Cependant, ma complaisance à me laisser donner tout ce qui pouvait empêcher l’effet de ce que je venais de faire dut persuader les spectateurs qu’il n’y avait rien de sérieux dans toute cette tragédie.

Ce n’est pas la seule fois dans ma vie qu’après une action d’éclat, je me suis soudainement ennuyé de la solennité qui aurait été nécessaire pour la soutenir et que, d’ennui, j’ai défait mon propre ouvrage. Après qu’on m’eut administré tous les remèdes qu’on crut utiles, on me fit un petit sermon d’un air moitié compatissant, moitié doctoral, que j’écoutai d’un air tragique ; made-