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et qui m’en a tant causées depuis, vint troubler ma vie et gâter tout ce que la bonté de mon père avait fait pour moi.

J’avais connu en Suisse chez madame Trevor une vieille Française, madame de Bourbonne, joueuse à l’excès, d’ailleurs bonne femme et assez originale : elle jouait en voiture, elle jouait au lit, elle jouait au bain, le matin, la nuit, le soir, toujours et partout, quand elle le pouvait. J’allai la voir à Paris, elle y avait tous les jours un quinze, et je m’empressai d’en être. J’y perdais régulièrement tout ce que j’apportais, et j’y apportais tout ce qu’on me payait par ordre de mon père et tout ce que je pouvais emprunter, ce qui heureusement n’était pas très considérable, quoique je ne négligeasse aucun moyen de faire des dettes.

Il m’arriva à ce sujet une aventure assez plaisante, avec une des plus vieilles femmes de la société de madame Suard. C’était madame Saurin, femme de Saurin le philosophe et l’auteur de Spartacus. Elle avait été fort belle et s’en souvenait toute seule, car elle avait soixante-cinq ans. Elle m’avait témoigné beaucoup d’amitié, et bien que j’eusse le tort de me