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l’endroit où je n’avais à attendre que du mécontentement et des reproches.

En passant à Bruges, je tombai entre les mains d’un vieux maître de poste qui, sur ma mine, avisa avec assez de pénétration qu’il pourrait me prendre pour dupe. Il commença par me dire qu’il n’avait pas de chevaux et qu’il n’en aurait pas de plusieurs jours, mais il offrit de m’en procurer à un prix excessif. Le marché fait, il me dit que le maître des chevaux n’avait pas de voiture. C’était un nouveau marché à faire ou l’ancien à payer. Je pris le premier parti. Mais quand je croyais tout arrangé, il ne se trouva pas de postillon pour me conduire et je n’en obtins un qu’à des conditions tout aussi exorbitantes. J’étais tellement dévoré au fond du cœur de pensées tristes, et sur le désespoir dans lequel je me figurais mon père, dont les dernières lettres avaient été déchirantes, et sur la réception que j’allais éprouver, et sur la dépendance qui m’attendait et dont j’avais perdu l’habitude, que je n’avais la force de me fâcher ni de disputer sur rien. Je me soumis donc à toutes les friponneries du coquin de maître de poste, et enfin je me remis en route, mais je n’étais pas