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sur le même ton, en me rappelant les délicieuses journées que nous avions passées ensemble en 1787. Je lui ai répondu assez sèchement, et je n’en ai plus entendu parler.

Au moment où je mettais pied à terre à Douvres, un paquebot allait partir pour Calais. J’y fus reçu et le 1er octobre, je me retrouvai en France. C’est la dernière fois jusqu’à présent que j’ai vu cette Angleterre, asile de tout ce qui est noble, séjour de bonheur, de sagesse et de liberté, mais où il ne faut pas compter sans réserve sur les promesses de ses amis de collège. Du reste, je suis un ingrat. J’en ai trouvé vingt bons pour un seul mauvais. À Calais nouvel embarras. Je calculai que je n’avais aucun moyen d’arriver à Bois-le-Duc, où était mon père, avec le reste de mes dix guinées. Je sondai M. Dessin, mais il était trop accoutumé à des propositions pareilles de la part de tous les aventuriers allant en Angleterre ou en revenant pour être très disposé à m’entendre. Je m’adressai enfin à un domestique de l’auberge qui, sur une montre qui valait dix louis, m’en prêta trois, ce qui n’assurait pas encore mon arrivée. Puis je me remis à cheval pour aller nuit et jour jusqu’à