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lénore ; je reprenais alors mes plans habiles et mes profondes combinaisons : mais à peine me retrouvais-je auprès d’elle, que je me sentais de nouveau tremblant et troublé. Quiconque aurait lu dans mon cœur, en son absence, m’aurait pris pour un séducteur froid et peu sensible ; quiconque m’eût aperçu à ses côtés eût cru reconnaître en moi un amant novice, interdit et passionné. L’on se serait également trompé dans ces deux jugements : il n’y a point d’unité complète dans l’homme, et presque jamais personne n’est tout à fait sincère ni tout à fait de mauvaise foi.

Convaincu par ces expériences réitérées que je n’aurais jamais le courage de parler à Ellénore, je me déterminai à lui écrire. Le comte de P*** était absent. Les combats que j’avais livrés longtemps à mon propre caractère, l’impatience que j’éprouvais de n’avoir pu le surmonter, mon incertitude sur le succès de ma tentative, jetèrent dans ma lettre une agitation qui ressemblait fort à l’amour.