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tinée qu’elle s’est faite, si elle ouvrait les yeux et mesurait la route parcourue, il y aurait encore pour elle des chances de salut ; mais elle sait qu’elle n’est plus aimée, et elle pardonne. Au lieu de réhabiliter celui qui la trompait, elle devient pour lui un objet de pitié.

S’il aimait une autre femme, s’il s’était laissé prendre à une affection passagère, je concevrais le pardon ; ce serait générosité pure, et la reconnaissance pourrait assurer la fidélité à venir. Mais pardonner l’abandon, pardonner le délaissement qui n’a pas un autre amour pour excuse, pardonner l’hypocrisie, c’est une folie sans remède, c’est s’avilir pour quelques jours de répit, c’est appeler sur soi le mépris, c’est mériter l’oubli.

Or, il n’y a pas une de ces austères vérités qui ne soit écrite dans Adolphe en caractères ineffaçables : c’est un livre plein d’enseignements et de conseils pour ceux qui aiment et qui souffrent. Quand on est jeune, on croit à peine à la moitié de ces conseils ; à mesure qu’on vieillit, on s’aperçoit qu’il y en a beaucoup d’oubliés.

Gustave Planche.