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à un autre les intérêts de votre cœur ; le cœur seul peut plaider sa cause : il sonde seul ses blessures ; tout intermédiaire devient un juge ; il analyse, il transige ; il conçoit l’indifférence ; il l’admet comme possible, il la reconnaît pour inévitable ; par là même il l’excuse, et l’indifférence se trouve ainsi, à sa grande surprise, légitime à ses propres yeux. Les reproches d’Ellénore m’avaient persuadé que j’étais coupable ; j’appris de celle qui croyait la défendre que je n’étais que malheureux. Je fus entraîné à l’aveu complet de mes sentiments : je convins que j’avais pour Ellénore du dévouement, de la sympathie, de la pitié ; mais j’ajoutai que l’amour n’entrait pour rien dans les devoirs que je m’imposais. Cette vérité, jusqu’alors renfermée dans mon cœur, et quelque fois seulement révélée à Ellénore au milieu du trouble et de la colère, prit à mes propres yeux plus de réalité et de force, par cela seul qu’un autre en était devenu dépositaire. C’est un grand pas, c’est un pas irrépa-