Page:Constant - Adolphe.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tais à repousser toute idée d’un lien durable, de mon inexplicable soif de rupture et d’isolement. Je l’écoutai longtemps en silence ; je n’avais dit jusqu’à ce moment à personne que je n’aimais plus Ellénore ; ma bouche répugnait à cet aveu, qui me semblait une perfidie. Je voulus pourtant me justifier ; je racontai mon histoire avec ménagement, en donnant beaucoup d’éloges à Ellénore, en convenant des inconséquences de ma conduite, en les rejetant sur les difficultés de notre situation, et sans me permettre une parole qui prononçât clairement que la difficulté véritable était de ma part l’absence de l’amour. La femme qui m’écoutait fut émue de mon récit : elle vit de la générosité dans ce que j’appelais de la faiblesse, du malheur dans ce que je nommais de la dureté. Les mêmes explications qui mettaient en fureur Ellénore passionnée, portaient la conviction dans l’esprit de son impartiale amie. On est si juste lorsque l’on est désintéressé ! Qui que vous soyez, ne remettez jamais