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nous dire que nous nous taisions pour ne pas l’entendre. Quelquefois l’un de nous était prêt à céder, mais nous manquions le moment favorable pour nous rapprocher. Nos cœurs défiants et blessés ne se rencontraient plus.

Je me demandais souvent pourquoi je restais dans un état si pénible : je me répondais que, si je m’éloignais d’Ellénore, elle me suivrait, et que j’aurais provoqué un nouveau sacrifice. Je me dis enfin qu’il fallait la satisfaire une dernière fois, et qu’elle ne pourrait plus rien exiger quand je l’aurais replacée au milieu de sa famille. J’allais lui proposer de la suivre en Pologne, quand elle reçut la nouvelle que son père était mort subitement. Il l’avait instituée son unique héritière, mais son testament était contredit par des lettres postérieures, que des parents éloignés menaçaient de faire valoir. Ellénore, malgré le peu de relations qui subsistaient entre elle et son père, fut douloureusement affectée de cette mort : elle se reprocha de l’avoir abandonné.