Page:Constant - Adolphe.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.

serai toujours votre ami ; j’aurai toujours pour vous l’affection la plus profonde. Les deux années de notre liaison ne s’effaceront pas de ma mémoire ; elles seront à jamais l’époque la plus belle de ma vie. Mais l’amour, ce transport des sens, cette ivresse involontaire, cet oubli de tous les intérêts, de tous les devoirs, Ellénore, je ne l’ai plus. J’attendis longtemps sa réponse sans lever les yeux sur elle. Lorsque enfin je la regardai, elle était immobile ; elle contemplait tous les objets comme si elle n’en eût reconnu aucun, je pris sa main ; je la trouvai froide. Elle me repoussa. Que me voulez-vous ? me dit-elle ; ne suis-je pas seule, seule dans l’univers, seule sans un être qui m’entende ? Qu’avez-vous encore à me dire ? ne m’avez-vous pas tout dit ? tout n’est-il pas fini, fini sans retour ? laissez-moi, quittez-moi ; n’est-ce pas là ce que vous désirez ? Elle voulut s’éloigner, elle chancela ; j’essayai de la retenir, elle tomba sans connaissance à mes pieds ; je la relevai, je l’embrassai, je rappelai ses sens.