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périls qui l’auraient assaillie. Mais il n’y avait point de périls : on me laissait parfaitement libre ; et cette liberté ne me servait qu’à porter plus impatiemment le joug que j’avais l’air de choisir.

Nous nous fixâmes à Cadan, petite ville de la Bohême. Je me répétai que puisque j’avais pris la responsabilité du sort d’Ellénore, il ne fallait pas la faire souffrir. Je parvins à me contraindre ; je renfermai dans mon sein jusqu’aux moindres signes de mécontentement, et toutes les ressources de mon esprit furent employées à me créer une gaieté factice qui pût voiler ma profonde tristesse. Ce travail eut sur moi-même un effet inespéré. Nous sommes des créatures tellement mobiles, que les sentiments que nous feignons, nous finissons par les éprouver. Les chagrins que je cachais, je les oubliais en partie. Mes plaisanteries perpétuelles dissipaient ma propre mélancolie ; et les assurances de tendresse dont j’entretenais Ellénore répandaient dans mon