Page:Constant - Adolphe.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ménagement fut abjuré, toute délicatesse oubliée. On eût dit que nous étions poussés l’un contre l’autre par des furies. Tout ce que la haine la plus implacable avait inventé contre nous, nous nous l’appliquions mutuellement, et ces deux êtres malheureux, qui seuls se connaissaient sur la terre, qui seuls pouvaient se rendre justice, se comprendre et se consoler, semblaient deux ennemis irréconciliables, acharnés à se déchirer.

Nous nous quittâmes après une scène de trois heures ; et, pour la première fois de la vie, nous nous quittâmes sans explication, sans réparation. À peine fus-je éloigne d’Ellénore qu’une douleur profonde remplaça ma colère. Je me trouvai dans une espèce de stupeur, tout étourdi de ce qui s’était passé. Je me répétais mes paroles avec étonnement ; je ne concevais pas ma conduite ; je cherchais en moi-même ce qui avait pu m’égarer.

Il était fort tard ; je n’osai retourner chez Ellénore. Je me promis de la voir le lende-