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avec l’autre n’étaient ni aussi fréquentes ni aussi faciles. La littérature continentale était presque étrangère aux Anglais. Les écrits dirigés contre leur usurpateur se composaient en langue latine. Il n’y avait pas de journaux qui, arrivant du dehors, lui portassent des coups, que leur répétition constante rendait chaque jour plus dangereux. Cromwell n’était pas forcé à la guerre pour empêcher que la haine des Anglais ne se fortifiât de l’assentiment étranger, comme il serait arrivé à celle des Français sous Bonaparte, s’il ne les eût séparés du reste du monde. Il fallait à ce dernier la guerre partout, pour faire de ses esclaves

Semotos penitùs orbe… Gallos.

Je pourrais offrir sur tous les points une démonstration analogue, si je voulais analyser toutes les actions de Buonaparte. Plusieurs de ses attentats nous semblent inutiles ; mais la défiance est un élément inséparable de l’usurpation, et les crimes qui peuvent être inutiles en eux-mêmes, deviennent par là une nécessité de sa nature. Buonaparte ne pouvait être rassuré ni par l’assentiment tumultueux ni par la soumission silencieuse, et le plus horrible de ses actes[1] a été commis parce qu’il croyait trouver une monstrueuse sécurité en imposant à ses agents la solidarité d’un grand crime.

Ce que je dis des moyens de l’usurpation, je le dis aussi de sa chute ; j’avais affirmé qu’elle doit tomber par l’effet inévitable des guerres qu’elle nécessite. On m’a

  1. Le meurtre du duc d’Enghien. Voir sur ce sinistre événement : Lanfrey, Histoire de Napoléon Ier, le passage intitulé : Assassinat du duc d’Enghien, t. III, pag. 82 et suiv. C’est un des morceaux les plus vigoureux et les plus éloquents de notre histoire contemporaine.
    (Note de l’éditeur.)