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Il y a, entre la destitution du pouvoir exécutif et son châtiment, la même différence qu’entre la dissolution des assemblées représentatives et la mise en accusation de leurs membres. Si l’on remplaçait la première de ces mesures par la seconde, nul doute que les assemblées menacées, non-seulement dans leur existence politique, mais dans leur existence individuelle, ne devinssent furieuses par le sentiment du péril, et que l’État ne fût exposé aux plus grands maux. Il en est de même du pouvoir exécutif. Si vous substituez à la faculté de le destituer sans poursuite celle de le mettre en jugement, vous excitez sa crainte et sa colère : il défendra son pouvoir pour sa sûreté. La monarchie constitutionnelle prévient ce danger. Les représentants, après la dissolution de leur assemblée, les ministres, après leur destitution, rentrent dans la classe des autres citoyens, et les résultats de ces deux grands préservatifs contre ces abus sont également efficaces et paisibles.

Des considérations du même genre s’offrent à nous, quand il s’agit de la responsabilité.

Un monarque héréditaire peut et doit être irresponsable ; c’est un être à part au sommet de l’édifice. Son attribution qui lui est particulière et qui est permanente non-seulement en lui, mais dans sa race entière, depuis ses ancêtres jusqu’à ses descendants, le sépare de tous les individus de son empire. Il n’est nullement extraordinaire de déclarer un homme inviolable, lorsqu’une famille est investie du droit de gouverner un grand peuple, à l’exclusion des autres familles, et au risque de toutes les chances de la succession.

Le monarque lui-même se prête sans répugnance à la responsabilité de ses ministres. Il a des biens plus précieux à défendre que tel ou tel détail de l’administration, tel ou tel exercice partiel de l’autorité. Sa dignité