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doit répandre dans l’esprit du monarque un calme, et dans son âme un sentiment de repos, qui ne peuvent être le partage d’aucun individu dans une position inférieure. Il plane, pour ainsi dire, au-dessus des agitations humaines, et c’est le chef-d’œuvre de l’organisation politique d’avoir ainsi créé, dans le sein même des dissentiments sans lesquels nulle liberté n’existe, une sphère inviolable de sécurité, de majesté, d’impartialité, qui permet à ces dissentiments de se développer sans péril, tant qu’ils n’excèdent pas certaines limites, et qui, dès que le danger s’annonce, y met un terme par des moyens légaux, constitutionnels, et dégagés de tout arbitraire. Mais on perd cet immense avantage, soit en rabaissant le pouvoir du monarque au niveau du pouvoir exécutif, soit en élevant le pouvoir exécutif au niveau du monarque.

Si vous confondez ces pouvoirs, deux grandes questions deviennent insolubles : l’une, la destitution du pouvoir exécutif proprement dit, l’autre la responsabilité.

Le pouvoir exécutif réside de fait dans les ministres : mais l’autorité qui pourrait le destituer a ce défaut dans la monarchie absolue, qu’elle est son alliée, et dans la république, qu’elle est son ennemie. Ce n’est que dans la monarchie constitutionnelle qu’elle s’élève au rang de son juge.

Aussi voyons-nous que, dans la monarchie absolue, il n’y a de moyen de destituer le pouvoir exécutif, qu’un bouleversement, remède souvent plus terrible que le mal ; et bien que les républiques[1] aient cherché à orga-

  1. « En théorie, la république est le gouvernement qui paraît le plus conforme à l’égalité et à la dignité de l’homme. Il est le plus rationnel de tous les régimes, quoique le plus compliqué. Il a des développements magnifiques et des expédients ingénieux. Toutes les libertés s’y déploient à l’aise : liberté de conscience, liberté de