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Dernières réflexions.

Durant l’impression de cet ouvrage, commencé au mois de novembre dernier [1813], les événements qui se sont succédé rapidement ont appuyé de preuves si évidentes les vérités que je voulais établir, que je n’ai pu m’empêcher de faire usage des exemples qu’ils me fournissaient, malgré mon premier désir de me réduire, le plus qu’il serait possible, à des principes généraux.

Celui qui, depuis douze années, se proclamait destiné à conquérir le monde, a fait amende honorable de ses prétentions. Ses discours, ses démarches, chacun de ses actes, sont des arguments plus victorieux contre le système des conquêtes, que tous ceux que j’avais pu rassembler.

Avant même que son territoire ne soit envahi, il est frappé d’un trouble qu’il ne peut dissimuler. À peine ses limites sont-elles touchées, qu’il jette au loin toutes ses conquêtes. Il exige l’abdication d’un de ses frères, il consacre l’expulsion d’un autre. Sans qu’on le lui demande, il déclare qu’il renonce à tout.

Il a tout réduit en poussière, et cette poussière mobile laisse arriver à lui les vents déchaînés. Les cris de sa famille, nous dit-il, déchirent son cœur. N’étaient-ils pas de cette famille ceux qui périssaient en Russie dans la triple agonie des blessures, du froid et de la famine ? Mais, tandis qu’ils expiraient désertés par leur chef, ce chef se croyait en sûreté. Maintenant, le danger qu’il partage lui donne une sensibilité subite.

La peur est un mauvais conseiller, là surtout où il