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Honorez avec nous les fondateurs de la république[1] ; ne profanez point les tombeaux de ceux que les tyrans immolèrent ; rendez justice à ceux qui ont échappé aux fureurs des décemvirs, à ceux qui renversèrent leur affreux empire, à ceux qui, au milieu des orages, vous donnèrent une constitution cent fois plus sage que celle de 1791[2], conçue et rédigée dans le calme ; à ceux qui, trouvant les étrangers à trente lieues de Paris, ont conclu la paix à trente lieues de Vienne.

Les erreurs des hommes qui exercent l’autorité, n’importe à quel titre, ne sauraient être innocentes comme

  1. Dira-t-on que la république fut proposée par Collot-d’Herbois ? C’est une misérable chicane. Ceux que l’on comprend sous le nom de fondateurs de la république sont les hommes qui, les premiers, disséminèrent en France les idées républicaines, qui, en 1791, avouèrent hautement leur attachement à cette forme d’institution, qui, pendant tout le cours de l’assemblée législative, s’élevèrent contre la perfide inertie de la cour, et renversèrent la constitution monarchique pour sauver la liberté. Il est aussi absurde de regarder les sicaires de Collot-d’Herbois et de Robespierre comme les fondateurs de la république, qu’il le serait d’attribuer l’insurrection du 14 juillet 1789 aux hommes qui massacrèrent Flesselles et de Launay. Les pillards qui suivent une armée victorieuse n’en composent pas l’état-major ; et si, par hasard, ils parvenaient à en assassiner les généraux, pour se livrer ensuite aux plus horribles excès, on pourrait bien dire qu’ils se sont emparés de la victoire pour la déshonorer, mais non pas qu’ils l’ont remportée. C’est aux noms des Vergniaud, des Condorcet, qu’il faut rattacher l’établissement de la république ; et mépris éternel à qui ne respecte pas ces noms chers aux lumières, illustres par le courage, et sacrés par le malheur.
  2. La Constitution de l’an III.