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toujours à l’abri du coupable qu’il effraye. Quand ses terreurs seront dissipées, il mitigera peut-être le châtiment. Je conserverais donc la détention perpétuelle comme offrant une chance vraisemblable à la clémence de l’autorité.

Enfin, de quelque manière que la détention soit admise et organisée dans notre Code, une précaution est à prendre, qui, jusqu’à présent, a été négligée par tous les peuples, et dont la nécessité est évidente. L’on a senti souvent, j’en conviens, qu’on ne pouvait abandonner les détenus à la discrétion de leurs geôliers, et qu’il fallait soumettre ceux-ci à une surveillance répressive. Mais on a confié cette surveillance à des agents du gouvernement. C’est rendre cette mesure illusoire ; c’est la travestir en espèce d’ironie cruelle. Le gouvernement, qui est la partie publique sur la poursuite et la dénonciation de laquelle ces prisonniers ont été condamnés, ne saurait être chargé de protéger les individus qu’il a frappés. Un pouvoir indépendant du gouvernement peut seul exercer efficacement cette fonction tutélaire. Je voudrais que nos électeurs, dépositaires des droits du peuple, en même temps qu’ils éliraient nos représentants, nommassent dans chaque département, sous un titre qui rappelât combien cette mission serait auguste, des surveillants des prisons. Ils constateraient que ceux dont la détention est légitime n’éprouvent aucune rigueur superflue, aucune aggravation arbitraire d’une destinée déjà déplorable, et ils rendraient compte aux chambres, dans un rapport qui serait mis sous les yeux de la nation entière, par le moyen de la presse, des résultats de leur vérification périodique et solennelle.