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Les châtiments qu’on a voulu substituer à la peine de mort ne sont, pour la plupart, que cette même peine infligée en détail, et presque toujours d’une manière plus lente et plus douloureuse.

La peine de mort est de plus la seule qui n’ait pas l’inconvénient de vouer une foule d’hommes à des fonctions odieuses et avilissantes. J’aime mieux quelques bourreaux que beaucoup de geôliers. J’aime mieux qu’un petit nombre d’agents déplorables d’une sévérité nécessaire, rejetés avec horreur par la société, se consacrent à l’affreux métier d’exécuter quelques criminels, que si une multitude se condamnait, pour un misérable salaire, à veiller sur les coupables et à se rendre l’instrument perpétuel de leur malheur prolongé.

Mais, en admettant la peine de mort, ai-je besoin de dire que je ne l’admets que pour des cas très-rares ? Notre Code actuel la prodigue avec une profusion scandaleuse.

Les attentats simples contre la propriété ; l’intention seule du crime, de quelque nature que ce crime puisse être ; les délits politiques, s’ils n’ont pas fait répandre le sang, ne doivent jamais attirer cette peine.

Quand on considère l’état de misère ou de privation perpétuelle auquel, dans toutes les sociétés humaines, une classe nombreuse et déshéritée est toujours réduite ; quand on se représente dans combien de circonstances le travail même n’offre à cette classe qu’une ressource ou illusoire ou insuffisante ; quand on réfléchit que d’ordinaire cette ressource lui manque alors qu’elle en a le plus besoin, et que, plus il y a d’indigents à qui le travail serait nécessaire, plus il leur est difficile d’obtenir ce travail, qui seul les préserverait de la mort ou du crime ; quand on se peint ces malheureux, environnés de leurs familles, sans abri, sans nourriture et sans vê-