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loi pareille serait vexatoire ou plutôt impossible ; chaque jour cent citoyens seraient arrêtés, pour avoir refusé leur concours à l’arrestation d’un seul : il faut donc que des hommes salariés se chargent volontairement de ces tristes fonctions. C’est un malheur sans doute que de créer une classe d’hommes pour les vouer exclusivement à la poursuite de leurs semblables ; mais ce mal est moins grand que de flétrir l’âme de tous les membres de la société, en les forçant à prêter leur assistance à des mesures dont ils ne peuvent apprécier la justice.

Voici donc déjà deux classes de force armée. L’une sera composée de soldats proprement dits, stationnaires sur les frontières, et qui assureront la défense extérieure ; elle sera distribuée en différents corps, soumise à des chefs sans relations entre eux, et placée de manière à pouvoir être réunie sous un seul en cas d’attaque. L’autre partie de la force armée sera destinée au maintien de la police. Cette seconde classe de la force armée n’aura pas les dangers d’un grand établissement militaire : elle sera disséminée sur toute l’étendue du territoire ; car elle ne pourrait être réunie sur un point sans laisser sur tous les autres les criminels impunis. Cette troupe saura elle-même quelle est sa destination. Accoutumée à poursuivre plutôt qu’à combattre, à surveiller plutôt qu’à conquérir, n’ayant jamais goûté l’ivresse de la victoire, le nom de ses chefs ne l’entraînera point au delà de ses devoirs, et toutes les autorités de l’État seront sacrées pour elle.

Le troisième objet de la force armée, c’est de comprimer les troubles, les séditions. La troupe destinée à réprimer les délits ordinaires ne suffit pas. Mais pourquoi recourir à l’armée de ligne ? N’avons-nous pas la garde nationale, composée de propriétaires et de ci-