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même que les apôtres zélés de la souveraineté du peuple pensent que la liberté publique gagne aux entraves mises à la liberté individuelle, beaucoup de financiers de nos jours semblent croire que l’État s’enrichit de la ruine des individus.

Les atteintes indirectes à la propriété, qui vont faire le sujet des observations suivantes, se divisent en deux classes.

Je mets dans la première les banqueroutes partielles ou totales, la réduction des dettes nationales, soit en capitaux, soit en intérêts, le payement de ces dettes en effets d’une valeur inférieure à leur valeur nominale, l’altération des monnaies, les retenues, etc. Je comprends dans la seconde les actes d’autorité contre les hommes qui ont traité avec les gouvernements, pour leur fournir les objets nécessaires à leurs entreprises militaires ou civiles, les lois ou mesures rétroactives contre les enrichis, les chambres ardentes, l’annulation des contrats, des concessions, des ventes faites par l’État à des particuliers.

Quelques écrivains ont considéré l’établissement des dettes publiques comme une cause de prospérité ; je suis d’une tout autre opinion. Les dettes publiques ont créé une propriété d’espèce nouvelle qui n’attache point son possesseur au sol, comme la propriété foncière, qui n’exige ni travail assidu, ni spéculations difficiles, comme la propriété industrielle, enfin qui ne suppose point des talents distingués, comme la propriété que nous avons nommée intellectuelle. Le créancier de l’État n’est intéressé à la prospérité de son pays que comme tout créancier l’est à la richesse de son débiteur. Pourvu que ce dernier le paye, il est satisfait ; et les négociations qui ont pour but d’assurer son payement, lui semblent toujours suffisamment bonnes, quelque dispendieuses