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pratiques usitées par les gouvernements réguliers ; elles sont de la nature de toutes les mesures arbitraires ; elles n’en sont qu’une partie inséparable ; le mépris pour la fortune des hommes suit de près le mépris pour leur sûreté et pour leur vie.

J’observerai seulement que, par des mesures pareilles, les gouvernements gagnent bien moins qu’ils ne perdent. « Les rois, dit Louis XIV dans ses Mémoires, sont seigneurs absolus et ont naturellement la disposition pleine et libre de tous les biens de leurs sujets. » Mais quand les rois se regardent comme seigneurs absolus de tout ce que possèdent leurs sujets, les sujets enfouissent ce qu’ils possèdent ou le dissipent : s’ils l’enfouissent, c’est autant de perdu pour l’agriculture, pour le commerce, pour l’industrie, pour tous les genres de prospérité ; s’ils le prodiguent pour des jouissances frivoles, grossières et improductives, c’est encore autant de détourné des emplois utiles et des spéculations reproductrices. Sans la sécurité, l’économie devient duperie, et la modération imprudence. Lorsque tout peut être enlevé, il faut conquérir le plus qu’il est possible, parce que l’on a plus de chances de soustraire quelque chose à la spoliation. Lorsque tout peut être enlevé, il faut dépenser le plus qu’il est possible, parce que tout ce qu’on dépense est autant d’arraché à l’arbitraire. Louis XIV croyait dire une chose bien favorable à la richesse des rois ; il disait une chose qui devait ruiner les rois, en ruinant les peuples.

Il y a d’autres espèces de spoliations moins directes dont je crois utile de parler avec un peu plus d’étendue. Les gouvernements se les permettent pour diminuer leurs dettes ou accroître leurs ressources, tantôt sous le prétexte de la nécessité, quelquefois sous celui de la justice, toujours en alléguant l’intérêt de l’État : car de