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lui être opposée, et qui, d’accord avec les véritables sentiments de ses habitants, ne se laisse jamais aveugler par une opinion factice. Cela est désirable pour Paris même.

Si une telle opinion eût existé en France, les Parisiens, au 31 mai, n’auraient été asservis que passagèrement, et bientôt leurs concitoyens des provinces les auraient délivrés.

Mais comment créer une opinion pareille ? je l’ai déjà dit, les journaux seuls la créent. Les citoyens des départements ne sont assurément ni moins susceptibles de lumières, ni moins remplis de bonnes intentions que les Parisiens. Mais, pour que leurs lumières soient applicables, et que leurs bonnes intentions ne soient pas stériles, ils doivent connaître l’état des choses. Or, les journaux seuls le leur font connaître.

En Angleterre même, où les existences sont plus établies, et où, par conséquent, il y a plus de repos dans les esprits et plus de loisir individuel, ce sont les journaux qui ont fait naître et qui ont vivifié l’opinion nationale.

J’invoque, à ce sujet, l’autorité de Delolme. « Cette extrême sûreté, dit-il, avec laquelle chacun peut communiquer ses idées au public, et le grand intérêt que chacun prend à tout ce qui tient au gouvernement, y ont extraordinairement multiplié les journaux. Indépendamment de ceux qui, se publiant au bout de l’année, du mois ou de la semaine, font la récapitulation de tout ce qui s’est dit ou fait d’intéressant durant ces différentes périodes, il en est plusieurs qui, paraissant journellement ou de deux jours l’un, annoncent au public les opérations du gouvernement, ainsi que les diverses causes importantes, soit au civil, soit au criminel. Dans le temps de la session du