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être parce qu’il était ami de la liberté, il fut presque toujours repoussé des deux partis dans l’assemblée constituante ; il est mort victime de sa modération[1] : son opinion, je pense, paraîtra de quelque poids. « La religion et l’État, disait-il, sont deux choses parfaitement distinctes, parfaitement séparées, dont la réunion ne peut que dénaturer l’une et l’autre. L’homme a des relations avec son Créateur ; il se fait ou il reçoit telles ou telles idées, sur ces relations ; on appelle ce système d’idées : religion. La religion de chacun est donc l’opinion que chacun a de ses relations avec Dieu. L’opinion de chaque homme étant libre, il peut prendre ou ne pas prendre telle religion. L’opinion de la minorité ne peut jamais être assujettie à celle de la majorité ; aucune opinion ne peut donc être commandée par le pacte social. La religion est de tous les temps, de tous les lieux, de tous les gouvernements ; son sanctuaire est dans la conscience de l’homme, et la conscience est la seule faculté que l’homme ne puisse jamais sacrifier à une convention sociale. Le corps social ne doit commander aucun culte ; il n’en doit repousser aucun[2]. »

Mais de ce que l’autorité ne doit ni commander ni proscrire aucun culte, il n’en résulte point qu’elle ne doive pas les salarier ; et ici notre constitution est en-

  1. Stanislas de Clermont-Tonnerre, deux fois président de l’assemblée constituante, fut un des hommes les plus sincèrement libéraux et les plus éclairés de son temps. Son Analyse de la Constitution de 1791, ses discours sur les massacres d’Avignon, attestent son courage aussi bien que son talent. Il fut massacré le matin du 10 août 1792 par la populace, qui l’accusait d’avoir des armes cachées dans sa maison.
    (Note de M. Laboulaye.)
  2. Opinion sur la propriété des biens du clergé, novembre 1789, réimprimée dans les Œuvres complètes, t. II, p. 75.