Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on veut leurs commettants[1]. Je me promets donc de nommer pour députés des hommes qui pensent à moi, qui parlent pour moi, qui ne laissent pas emprunter légèrement ce que je dois payer ; qui empêchent qu’on ne taxe trop les objets que j’emploie, l’huile qui éclaire mes ouvriers, l’eau-de-vie ou le vin que je bois, et dont, en définitive, la cherté retombe sur moi. Je ne demande pas à mes députés de sacrifier le bien de l’État à mes intérêts ; mais c’est bien le moins qu’ils tiennent compte de ces intérêts, et qu’ils ne se taisent pas quand on les attaque.

Voilà qui est bien. Je crois avoir récapitulé tout ce que j’ai à faire pour user utilement de mes droits. Mais il faut penser à l’exécution.

Le collége s’ouvre à huit heures. Les premiers arrivés forment le bureau provisoire, qui influera sur le bureau définitif. Il m’importe que les scrutateurs et le secrétaire soient des citoyens en qui j’aie confiance. Ce n’est pas que je me défie de personne, mais on est toujours bien aise de voir au bureau des hommes qu’on aime. J’irai donc, avant huit heures, au lieu d’assemblée. Les

  1. La première édition dit : « Ils sacrifient Paris aux départements, afin que les députés des départements votent avec eux. » L’observation est juste ; c’est chose reçue qu’on sacrifie la province à Paris ; si l’on examinait le budget de la ville à toutes les époques, on verrait que Paris supporte d’énormes charges qui profitent aux visiteurs étrangers ou à l’État beaucoup plus qu’aux Parisiens. Que d’embellissements stratégiques, que de fêtes politiques dont le bourgeois de Paris n’a nul besoin et qu’il paye néanmoins !
    (Note de M. Laboulaye.)
    Malgré les nombreux privilèges d’exemption que les rois de l’ancien régime avaient accordés à Paris, les habitants payaient beaucoup plus que ceux des autres villes du royaume. En 1784, la part contributive de chaque habitant était en moyenne de 64 liv. d., soit plus du double de ce qu’elle était à Lyon, la ville la plus imposée du royaume après la capitale, et qui ne payait que 30 liv. Voir Necker, Administration des finances, t. I, p. 228 et suiv.
    (Note de l’éditeur.)