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autres départements, étant toujours en majorité, sauront bien rétablir l’équilibre. Or, je crois me souvenir qu’à toutes les époques, Paris a été malheureux à cet égard. Cela tient peut-être à ce que plusieurs des députés de Paris étaient toujours de grands fonctionnaires publics, devant s’occuper de grandes questions et de beaucoup de choses fort importantes ; mais j’aurais voulu quelques petits mots aussi de leur part sur nos octrois, sur certains emprunts, et sur des impôts qui nous intéressent.

Je me souviens qu’un d’entre eux fit un beau rapport sur une loi, en 1815 ; je crois que c’était au mois d’octobre[1] (j’étais allé exprès pour l’entendre, quoique ce fût un samedi, jour où j’ai beaucoup à faire) ; en l’écoutant je me disais : Comme ce brave orateur défendra bien nos intérêts, quand il s’agira du budget et des contributions indirectes ! et j’ai été tout chagrin, quand j’ai vu qu’après avoir si bien parlé pour que ceux qui étaient suspects fussent arrêtés, il ne disait pas une syllabe pour que ceux qui n’étaient pas suspects ne payassent pas trop. On me répliqua qu’il occupait une autre grande place dans l’État, et qu’il était fatigué, parce qu’il avait beaucoup travaillé dans cette autre place. Cette année-ci, espérant qu’il aurait plus de temps, j’ai cru qu’il allait se montrer pour nous, notre député, et je me suis dérangé quatre fois pour aller l’entendre ; je n’ai pas eu ce bonheur. Voilà ce que c’est que d’avoir pour députés de grands fonctionnaires. Les grands fonctionnaires ont beaucoup de bon ; mais ils ont ce défaut, que, pour mener les affaires publiques, ils doivent se faire un parti, et, pour se faire un parti, ils sacrifient tant

  1. Allusion à la loi du 29 octobre 1815 contre la liberté individuelle.
    (Note de M. Laboulaye.)