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L’on se plaint de ce que les richesses se concentrent dans la capitale, et de ce que les campagnes sont épuisées par le tribut continuel qu’elles y portent et qui ne leur revient jamais. L’élection directe repousse les propriétaires vers les propriétés, dont sans elle ils s’éloignent. Lorsqu’ils n’ont que faire des suffrages du peuple, leur calcul se borne à retirer de leurs terres le produit le plus élevé. L’élection directe leur suggère un calcul plus noble, et bien plus utile à ceux qui vivent sous leur dépendance. Sans l’élection populaire, ils n’ont besoin que de crédit, et ce besoin les rassemble autour de l’autorité centrale. L’élection populaire leur donne le besoin de la popularité, et les reporte vers sa source, en fixant les racines de leur existence politique dans leurs possessions[1].

L’on a vanté quelquefois les bienfaits de la féodalité, qui retenait le seigneur au milieu de ses vassaux, et répartissait également l’opulence entre toutes les parties du territoire. L’élection populaire a le même effet désirable, sans entraîner les mêmes abus.

On parle sans cesse d’encourager, d’honorer l’agricul-

    absolue, du moins relative, des classes opulentes. 2o Il n’y a pas entre les petits propriétaires et les non-propriétaires une ligne de démarcation telle, que le riche puisse se concilier les premiers en opprimant les seconds. Les non-propriétaires, les artisans dans les bourgs et les villages, les journaliers dans les hameaux, sont tous parents des propriétaires. Ils feraient cause commune contre l’oppresseur. Il est donc nécessaire de les ménager tous, pour obtenir les suffrages de ceux qui auront le droit de voter ; et de la sorte, la propriété se trouvera respectée, et les égards dus à l’indigence acquerront une garantie.

  1. Ce raisonnement n’aurait pas moins de force, si, dans une monarchie constitutionnelle, on confiait au roi le choix définitif entre les candidats présentés ; et il y aurait un autre danger dans ce mode qui avait été proposé au comité de constitution en 1814. Si le candidat choisi par le roi désapprouvait quelque mesure du gouvernement, il se trouverait placé entre un devoir moral et un devoir politique, entre la reconnaissance et l’intérêt public.