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ront toujours le plus grand intérêt au maintien de l’ordre et à celui de la liberté publique, à la stabilité des institutions et au progrès des idées, à la fixité des bons principes et à l’amélioration graduelle des lois de l’administration. Quand les nominations des fonctionnaires, pour désignation spéciale de fonctions, se font par le peuple, les choix sont en général essentiellement mauvais[1]. S’il s’agit de magistratures éminentes, les corps électoraux inférieurs choisissent eux-mêmes assez mal. Ce n’est plus alors que par une espèce de hasard que quelques hommes de mérite s’y trouvent de temps en temps appelés. Les nominations au corps législatif, par exemple, ne peuvent être convenablement faites que par des hommes qui connaissent bien l’objet ou le but général de toute législation, qui soient très au fait de l’état présent des affaires et des esprits, qui puissent, en parcourant de l’œil toutes les divisions de territoire, y désigner d’une main sûre l’élite des talents, des vertus et des lumières. Quand un peuple nomme ses mandataires principaux sans intermédiaire, et qu’il est nombreux et disséminé sur un vaste territoire, cette opération l’oblige inévitablement à se diviser en sections : ces sections sont placées à des distances qui ne leur permettent ni communication, ni accord réciproque. Il en résulte des choix sectionnaires. Il faut chercher l’unité des élections dans l’unité du pouvoir électoral. »

  1. Je ne puis m’empêcher de rapprocher de cette assertion le sentiment de Machiavel et de Montesquieu, bien que je l’aie déjà indiqué précédemment. Les hommes, dit le premier, quoique sujets à se tromper sur le général, ne se trompent pas sur le particulier. Le peuple est admirable, dit le second, pour choisir ceux, à qui il doit confier une partie de son autorité ; et tout le reste du paragraphe démontre que Montesquieu a en vue une désignation spéciale, une fonction déterminée.