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l’autorité législative s’étend à tout, elle ne peut faire que du mal, de quelque manière qu’elle soit nommée.

Les faits ne prouvent donc rien contre l’élection directe. Comparons-lui maintenant les modes d’élection qu’on a prétendu lui substituer ; et nous reviendrons aux raisonnements allégués contre elle pour justifier ces modes.

La constitution consulaire en a établi deux successivement.

Je ne parlerai qu’en passant du premier, je veux dire de l’institution des listes d’éligibles. Cette institution, repoussée par l’opinion dès son origine, n’a pas résisté longtemps à cette puissance, qui cède quelquefois momentanément aux baïonnettes, mais qui finit toujours par avoir les baïonnettes de son côté. L’on ne voit plus aujourd’hui une nation de trente millions d’hommes, livrée à cinq mille privilégiés de création soudaine, autorisés seuls à remplir toutes les fonctions éminentes de leur pays. Il faut en convenir, c’était une idée bizarre que d’ordonner au peuple, incapable, assurait-on, de faire des choix éclairés, même en consacrant à ces choix son attention la plus réfléchie ; c’était, dis-je, une idée bizarre que d’ordonner à un peuple de tracer d’une main rapide une foule de noms, dont il ignorait le plus grand nombre, et de vouloir que, par cette nomenclature mécanique, sans rien accorder à ceux qu’il désignait, il déshéritât ceux qu’il oubliait ou qu’il ne connaissait pas[1].

  1. D’après la constitution à laquelle l’auteur fait ici allusion, tout Français âgé de 21 ans concourait à la formation d’une liste communale de citoyens parmi lesquels le premier consul choisissait les fonctionnaires de l’arrondissement. Il désignait ensuite un électeur sur dix pour dresser une liste départementale sur laquelle étaient choisis les fonctionnaires du département ; ces fonction-