Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté suprême de la nature, l’effet inévitable de la force des choses, et l’espoir consolant des amis de la liberté[1].

Ce système, accéléré dans ses développements par les révolutions, diffère des révolutions mêmes, comme la paix diffère de la guerre, comme le triomphe diffère du combat.

Des calculs politiques, rapprochés des sciences exactes par leur précision, des bases inébranlables pour les institutions générales, une garantie positive pour les droits individuels, la sûreté pour ce qu’on possède, une route certaine vers ce qu’on veut acquérir, une indépendance complète des hommes, une obéissance implicite aux lois, l’émulation de tous les talents, de toutes les qualités personnelles, l’abolition de ces pouvoirs abusifs, de ces distinctions chimériques, qui, n’ayant leur source ni dans la volonté ni dans l’intérêt commun, réfléchissent sur leurs possesseurs l’odieux de l’usurpation, l’harmonie dans l’ensemble, la fixité dans les détails, une théorie lumineuse, une pratique préservatrice : tels sont les caractères du système des principes.

Il est la réunion du bonheur public et particulier. Il ouvre la carrière du génie, comme il défend la propriété du pauvre. Il appartient aux siècles, et les convulsions du moment ne peuvent rien contre lui. En lui résistant, on peut sans doute causer encore des secousses désastreuses. Mais depuis que l’esprit de l’homme mar-

  1. C’est le système de la perfectibilité que défend ici Benjamin Constant. C’est à lui et à madame de Staël qu’on doit le triomphe de cette théorie en littérature, en religion et en politique. Il y est souvent revenu, sentant bien que la liberté, qui n’est qu’un moyen, serait une force inutile si elle n’élevait l’homme vers une perfection indéfinie.
    (Note de M. Laboulaye.)