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Si l’on pouvait analyser froidement les temps épouvantables auxquels le 9 thermidor a mis si tard un terme, on verrait que la terreur n’était que l’arbitraire poussé à l’extrême. Or, par la nature de l’arbitraire, on ne peut jamais être certain qu’il ne sera point poussé à l’extrême. Il est même indubitable qu’il s’y portera toutes les fois qu’il sera attaqué. Car une chose sans bornes, défendue par des moyens sans bornes, n’est pas susceptible de limitation. L’arbitraire, combattant pour l’arbitraire, doit franchir toute barrière, écraser tout obstacle, produire, en un mot, ce qu’était la terreur.

L’époque désastreuse connue sous ce nom nous offre une preuve bien remarquable des assertions que l’on vient de lire.

Nous voyons combien l’arbitraire rend un gouvernement nul, sous le rapport de son institution ; car il n’y avait, malgré les efforts et le charlatanisme sophistique de ses féroces auteurs, aucune apparence d’institution dans ce monstrueux gouvernement révolutionnaire, qui se prêtait à tous les excès et à tous les crimes, qui n’offrait aucune forme protectrice, aucune loi fixe, rien qui fût précis, déterminé, rien par conséquent qui pût garantir.

Nous voyons encore comment l’arbitraire se tourne contre un gouvernement, sous le rapport de son action. Le gouvernement révolutionnaire périt par l’arbitraire, parce qu’il avait régné par l’arbitraire. N’étant fondé, sur aucune loi, il n’eut la sauvegarde d’aucune. La puissance irrégulière et illimitée d’une assemblée unique et tumultueuse étant son seul principe d’action, lorsque ce principe réagit, rien ne put lui être opposé ; et comme le gouvernement révolutionnaire n’avait été qu’une suite de fureurs illégales et atroces, sa destruction fut l’ouvrage d’une juste et sainte fureur.