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garantie à l’existence d’un gouvernement, sous le rapport de la sûreté des individus qui le composent.

Je vais prouver ces trois assertions successivement.

Les institutions politiques ne sont que des contrats. La nature des contrats est de poser des bornes fixes, or l’arbitraire, étant précisément l’opposé de ce qui constitue un contrat, sape par la base toute institution politique.

Je sais bien que ceux mêmes qui, repoussant les principes comme incompatibles avec les institutions humaines, ouvrent un champ libre à l’arbitraire, voudraient le mitiger et le limiter ; mais cette espérance est absurde : car, pour mitiger ou limiter l’arbitraire, il faudrait lui prescrire des bornes précises, et il cesserait d’être arbitraire.

Il doit, de sa nature, être partout, ou n’être nulle part. Il doit être partout, non de fait, mais de droit ; et nous verrons tout à l’heure ce que vaut cette différence. Il est destructeur de tout ce qu’il atteint, car il anéantit la garantie de tout ce qu’il atteint ! or, sans la garantie, rien n’existe que de fait, et le fait n’est qu’un accident. Il n’y a d’existant en institution que ce qui existe de droit.

Il s’ensuit que toute institution qui veut s’établir sans garantie, c’est-à-dire par l’arbitraire, est une institution suicide, et que, si une seule partie de l’ordre social est livrée à l’arbitraire, la garantie de tout le reste s’anéantit.

L’arbitraire est donc incompatible avec l’existence d’un gouvernement, considéré sous le rapport de son institution. Il est dangereux pour un gouvernement, considéré sous le rapport de son action : car, bien qu’en précipitant sa marche, il lui donne quelquefois l’air de