On pourrait croire que je suis mieux que personne à même de jeter quelque lumière sur cette question : mais à la vérité cela ne me semble pas très facile. Il m’est agréable de penser que personne ne l’a accusé d’intentions frauduleuses ni ne l’a traité de charlatan : mais, à part cela, on a fait à son endroit toutes sortes de suppositions : on y a vu un habile paravent, un simple expédient, un prête-nom, un esprit familier, un daemon chuchotant. On m’a même soupçonné d’avoir longuement préparé un plan pour m’emparer de lui.
Il n’en est rien. Je n’ai fait aucun plan. Marlow et moi nous nous sommes rencontrés, ainsi que se font ces relations de ville d’eaux qui parfois se transforment en amitiés véritables. Celle-ci a eu précisément cette fortune. En dépit du ton assuré de ses opinions Marlow n’a rien d’un importun. Il hante mes heures de solitude, lorsque nous partageons en silence notre bien-être et notre entente ; mais lorsque nous nous séparons à la fin d’un conte, je ne suis jamais sûr que ce ne soit pas pour la dernière fois. Et pourtant je ne crois pas que l’un de nous se soucierait fort de survivre à l’autre. Lui, en tout cas, y perdrait son occupation et je crois qu’il ne serait pas sans en souffrir, car je le soupçonne de quelque vanité. Je ne prends pas le mot vanité au sens salomonesque. De toutes mes créatures il est bien assurément le seul qui n’ait jamais été un tracas pour mon esprit. Le plus discret et le plus compréhensif des hommes…
Avant même de paraître en volume, Jeunesse reçut un excellent accueil. Il me faut bien reconnaître