toujours la même. Dans l’immuabilité de ce qui les entoure, les rivages étrangers, les visages étrangers, la changeante immensité de la vie, tout demeure distant à leurs yeux, voilé non pas par le sens du mystère, mais par leur ignorance dédaigneuse : car il n’est rien de mystérieux pour un marin en dehors de la mer elle-même, qui est maîtresse de son existence et aussi impénétrable que la Destinée. Quant au reste, après les heures de travail, une flânerie fortuite, ou une bordée à terre a tôt fait de lui découvrir le secret de tout un continent et, généralement, il estime que le secret n’en valait pas la peine. Les histoires de marins ont une simplicité directe, dont tout le sens tient dans la coquille d’une noix craquée. Mais Marlow n’était pas typique (réserve faite pour son penchant à dévider des histoires) et pour lui la portée d’un épisode, ce n’était pas à l’intérieur qu’il fallait la chercher, comme un noyau, mais extérieurement, dans ce qui, enveloppant le récit, n’avait fait que la manifester, comme la chaleur suscite la brume, à la façon de ces halos de brouillard que parfois rend visibles l’illumination spectrale du clair de lune.
Sa remarque n’avait guère paru surprenante. C’était du Marlow tout pur. Elle fut accueillie en silence. Personne ne prit même la peine de murmurer, et après un instant, il dit, lentement :
— « Je songeais à ces temps très anciens où