mon garçon, si vous n’y faites attention. » Ce vieux-là était plein de malignité, mais que le vaste océan où il dort à présent le berce avec douceur, le berce avec tendresse, jusqu’à la fin des temps.
« Avant le coucher du soleil un gros grain passa sur les deux canots qui se trouvaient derrière et je ne devais plus les revoir de longtemps. Le lendemain, je tins la route sur ma coquille de noix, — mon premier commandement, — sans rien autour de moi que la mer et le ciel. J’aperçus bien, dans l’après-midi, les voiles hautes d’un navire au loin, mais je me gardai bien d’en rien dire et mes hommes ne le remarquèrent pas. C’est que, voyez-vous, je craignais qu’il ne fît route pour l’Angleterre et je n’avais pas envie de tourner le dos aux portes de l’Orient. Je gouvernai sur Java, — autre nom béni, — comme celui de Bangkok, vous savez. Je gouvernai pendant des jours.
« Je n’ai pas besoin de vous dire ce que c’est que de tosser dans une embarcation non pontée. Je me rappelle des nuits et des jours de calme plat, où nous souquions, nous souquions et où le canot semblait immobile comme ensorcelé dans le cercle de l’horizon. Je me rappelle la chaleur, le déluge des grains qui nous obligeaient à écoper sans arrêt pour sauver notre peau (mais qui remplissaient notre baril) et je me rappelle les seize heures d’affilée que nous passâmes, la bouche sèche comme de la cendre, tandis qu’avec un aviron de queue,