piraient, geignaient. Moi je regardais brûler le navire.
« Au milieu des ténèbres de la terre et du ciel, il brûlait avec rage sur un disque de mer pourpre que frappait le jeu de reflets sanglants, sur un disque d’eau scintillante et sinistre. Une flamme haute et claire, une flamme immense et solitaire, montait de l’océan, et, de son sommet, la fumée noire s’épanchait continuellement vers le ciel. Le navire brûlait avec fureur, lugubre et imposant comme un bûcher funèbre allumé dans la nuit, entouré par la mer, sous le regard des étoiles. Une mort magnifique était accordée comme une grâce, comme un don, comme une récompense, à ce vieux navire au terme d’une vie de labeur. Voir ce fantôme épuisé se remettre ainsi à la garde des astres et de la mer était aussi émouvant que le spectacle d’un glorieux triomphe. Les mâts s’affalèrent juste à l’aube : un moment, une explosion, un tourbillon d’étincelles parut emplir de feux ailés la nuit patiente et attentive, la vaste nuit silencieuse, étendue sur la mer. Le navire n’était plus à la pointe du jour, qu’une coque carbonisée qui flottait immobile sous un nuage de fumée et qui portait dans ses flancs une masse incandescente de charbon.
« Alors on arma les avirons et les canots en ligne de file tournèrent autour de ses ruines, en procession, — le grand canot en tête. Comme nous