descendre dans les canots avec deux hommes pour arrimer le tout, et tenir les embarcations prêtes pour le moment où nous aurions à quitter le navire.
« On mit tout en ordre, on mâta le grand canot pour notre capitaine qui devait en prendre le commandement et je ne fus pas fâché de m’asseoir un moment. Il me semblait avoir le visage à vif, tous les membres me faisaient mal comme s’ils avaient été rompus, je sentais toutes mes côtes, et j’aurais juré que j’avais la colonne vertébrale tordue. Les embarcations, amarrées derrière, restaient dans une ombre profonde et je pouvais voir, tout autour, le cercle de la mer qu’éclairait l’incendie. Une flamme gigantesque montait à l’avant, droite et claire. Elle avait un violent éclat, et il en sortait des bruits semblables à des battements d’ailes, d’autres fois un roulement pareil à celui du tonnerre. On entendait des craquements, des détonations ; et, du cône de flamme, des étincelles jaillissaient, ainsi que naît l’homme pour les misères, pour les navires qui font eau et les navires qui brûlent.
« Ce qui me préoccupait, c’était que le navire étant à la bande en travers à la houle et au peu de vent qu’il y avait, — un souffle à peine, — les canots ne voulaient pas rester à l’arrière où ils étaient en sûreté, mais s’obstinaient, avec cet entêtement stupide propre aux embarcations, à se fourrer sous la voûte arrière et à se coller