expliqué, nous continuions à pomper, assourdis par le vent, et n’ayant même plus en nous assez de courage pour souhaiter notre mort, un paquet de mer déferla sur le pont et nous passa dessus. À peine eussé-je repris mon souffle que je me mis à crier, avec l’instinct du devoir : « Tenez bon, les gars ! » quand soudain je sentis quelque chose de dur qui flottait sur le pont me heurter le mollet. J’essayai de m’en emparer sans y parvenir. Il faisait si noir qu’on ne se voyait pas les uns les autres à deux pas.
« Après ce choc, le navire demeura un moment immobile, et la chose revint heurter ma jambe. Cette fois je pus la saisir, — c’était une casserole. Tout d’abord abruti de fatigue, et ne pouvant penser à rien d’autre qu’aux pompes, je ne compris pas ce que j’avais dans la main. Mais tout d’un coup je me rendis compte et m’écriai : « Dites-moi, les gars, le rouf est parti. Lâchons cela et allons voir où est le coq. »
Il y avait à l’avant un rouf qui contenait la cuisine, la couchette du cuisinier et le poste d’équipage. Comme on s’attendait depuis des jours à le voir emporté, les hommes avaient reçu l’ordre de coucher dans le carré, le seul endroit sûr du navire. Le steward, Abraham, persistait toutefois à se cramponner à sa couchette, stupidement, comme une mule, par pure terreur, je crois, comme un animal qui ne veut pas quitter une étable qui