repos pour nous. Il ballottait, il tanguait, il piquait du nez, il plongeait de l’arrière, il roulait, il gémissait ; et il nous fallait nous cramponner quand nous étions sur le pont, nous agripper à nos couchettes quand nous étions en bas, dans un effort physique et une tension d’esprit qui ne nous donnaient pas de cesse.
« Une nuit Mahon m’interpella par la vitre de ma cabine. Elle ouvrait sur ma couchette. J’y étais étendu, tout éveillé, tout habillé, tout chaussé, avec l’impression de n’avoir pas dormi depuis des années, et de ne pouvoir le faire si je m’y efforçais. Il me dit avec animation :
— « Vous avez la tige de sonde, Marlow ? Je ne peux pas amorcer les pompes. Sacrédié, ce n’est pas une plaisanterie. »
« Je lui passai la sonde et me recouchai, essayant de penser à des tas de choses, — mais je ne pensais qu’aux pompes. Quand je vins sur le pont, ils y travaillaient encore et ma bordée vint les relever. À la lueur du fanal qu’on avait apporté pour examiner la sonde, j’entrevis des visages graves et las. Nous passâmes les quatre heures entières à pomper. Nous pompâmes tout le jour, toute la nuit, toute la semaine, quart après quart. Le navire se déliait et faisait de l’eau dangereusement, pas au point de nous noyer immédiatement mais assez pour nous tuer à manœuvrer les pompes. Et tandis que nous pompions, le navire nous