pour le salut d’une autre âme. Et le souvenir de ce que je lui avais entendu dire là-bas, dans la lueur des feux, au sein de la patiente forêt, tandis que les ombres encornées s’agitaient derrière moi, ces phrases entrecoupées retentirent à nouveau en moi, dans leur sinistre et terrifiante sincérité. Je me rappelai ses abjectes instances, ses abjectes menaces, l’ampleur démesurée de ses basses convoitises, la médiocrité, le tourment, l’orageuse angoisse de son âme. Et ensuite il me parut revoir l’air nonchalant et posé dont il me dit un jour : « Tout cet ivoire en réalité m’appartient. La Société n’a rien eu à payer pour l’obtenir. Je l’ai recueilli moi-même, à mes risques personnels. Je crains cependant qu’ils n’essaient d’y prétendre comme s’il était à eux. Hum ! c’est un point délicat… Que pensez-vous que je doive faire : résister ! Hé, je ne demande rien de plus que justice, après tout !… » Il ne demandait rien de plus que justice, rien que justice !… Je sonnai à une porte d’acajou au premier étage, et tandis que j’attendais, il semblait me regarder du fond du panneau verni, de son regard immense et vaste qui étreignait, condamnait, exécrait tout l’univers. J’eus l’impression que j’entendais son cri, son cri à voix basse : « l’horreur ! l’horreur !… »
« L’ombre tombait. On me fit attendre dans un ample salon où trois hautes fenêtres s’ouvrant du plancher au plafond, avaient l’air de piliers