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lesquelles il s’est trouvé. Par suite… ». Je l’assurai que les lumières de M. Kurtz, si étendues fussent-elles, ne portaient sur aucun problème administratif ou commercial. Il invoqua le nom de la Science. « Ce serait une perte incalculable si… » et ainsi de suite. Je lui offris le rapport sur la Suppression des Coutumes Barbares, dont le post-scriptum avait été préalablement déchiré. Il s’en saisit avec empressement, mais en terminant, il eut une moue dédaigneuse : « Ce n’est pas ce que nous avions le droit d’attendre », remarqua-t-il. — « N’attendez rien d’autre, fis-je. Il n’y a que des lettres personnelles ». Il se retira sur une vague menace de mesures judiciaires et je ne le revis plus. Mais un autre gaillard, se disant le cousin de Kurtz, apparut deux jours après et se déclara désireux d’avoir les détails les plus complets sur les derniers moments de son cher parent. Incidemment, il me donna à entendre que Kurtz avait été, avant tout, un grand musicien. « Il avait tout ce qu’il fallait pour le plus grand succès… », me dit l’homme, un organiste, je crois, dont les raides cheveux gris débordaient un col d’habit graisseux. Je n’avais aucune raison de mettre en doute cette affirmation et même à l’heure actuelle, je demeure incapable de dire quelle était la vocation de Kurtz — pour autant qu’il en eût une — et quel était le plus éminent de ses talents. Je l’avais pris pour un peintre qui écrivait dans