Page:Conrad - Jeunesse, suivi du Cœur des ténèbres, 1925.pdf/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

milieu de toute cette confusion nous ne l’avions pas entendu crier. Il avait l’air tout penaud. Elle s’écria d’un air enjoué :

— « Je suppose que cela ne fait rien si je manque le train maintenant.

— « Non, Jenny, descends te réchauffer, — grommela-t-il. Puis s’adressant à nous :

— « Un marin ne devrait pas s’embarrasser de sa femme. Voyez-vous ça, je n’étais pas à bord ! Bon, y a pas trop de mal cette fois. Allons voir ce que cet idiot de vapeur nous a démoli. »

« Ce n’était pas grand’chose, mais cela nous retint tout de même trois semaines. Au bout de ce temps, le capitaine étant occupé avec ses agents, je portai le sac de voyage de Mrs Beard jusqu’à la gare et l’installai confortablement dans un compartiment de troisième classe. Elle abaissa la vitre pour me dire :

— « Vous êtes un brave jeune homme. Si vous voyez John, le capitaine Beard, sans son foulard la nuit, rappelez-lui de ma part de bien s’emmitoufler.

— « Certainement, Mrs Beard, — lui dis-je.

— « Vous êtes un brave jeune homme. J’ai remarqué combien vous étiez attentionné pour John, le capitaine… »

« Le train démarra brusquement. Je saluai la vieille dame. Je ne l’ai plus jamais revue… …Passez-moi la bouteille.