servir. Je surveillais aussi la petite forge qu’heureusement nous avions à bord et trimais dur parmi un sacré tas de ferraille, à moins que la tremblote de la fièvre ne m’empêchât de tenir sur mes jambes.
« Un soir, entrant avec une bougie allumée, je fus surpris de l’entendre dire d’une voix un peu tremblante : « Je suis étendu dans le noir à attendre la mort… » La lumière en fait brûlait à moins d’un pied de son visage. Je fis effort sur moi-même pour lui dire : « Pas de bêtises, voyons !… », et demeurai penché au-dessus de lui, comme cloué sur place.
« Jamais je n’avais vu, — et j’espère bien n’avoir plus jamais à revoir — rien qui approchât du changement qui s’était opéré sur ses traits. Je n’étais pas apitoyé, certes ! J’étais fasciné. On eût dit qu’un voile avait été déchiré. Sur cette face d’ivoire, je discernais l’expression d’un sombre orgueil, d’une farouche puissance, d’une terreur abjecte, et aussi d’un désespoir immense et sans remède. Revivait-il sa vie dans le détail de chacune de ses convoitises, de ses tentations, de ses défaillances, durant ce suprême instant de parfaite connaissance ? Deux fois, d’une voix basse il jeta vers je ne sais quelle image, quelle vision, ce cri qui n’était guère qu’un souffle : « L’horreur ! L’horreur !… »
« Je soufflai la bougie et sortis de la cabine. Les pèlerins dînaient dans le carré : je gagnai ma place