tam-tam pour les battements de mon cœur et me félicitais de leur calme régularité.
« Je suivais la piste et m’arrêtais de temps en temps pour écouter. La nuit était très claire, une étendue d’un bleu sombre, étincelante de rosée et de la clarté des étoiles parmi laquelle des choses noires se dressaient immobiles. Puis je crus distinguer une sorte de mouvement devant moi. J’étais étrangement sûr de mon affaire cette nuit-là. Je quittai délibérément la piste et décrivis en courant un large demi-cercle (non sans ma foi ! je crois bien, rire dans ma barbe) de manière à me porter en avant de cette chose qui bougeait, de ce mouvement que j’avais aperçu, pour autant que j’eusse aperçu quelque chose… Je cernais bel et bien mon Kurtz, comme s’il se fût agi d’un jeu d’enfant.
« Je le rejoignis et même, s’il ne m’avait pas entendu venir, je serais tombé sur lui, mais il s’était redressé à temps. Il se leva, mal assuré, long, blême, indistinct, pareil à une vapeur exhalée par la terre et chancela légèrement, brumeux et silencieux cependant que derrière mon dos les feux palpitaient entre les arbres et qu’un murmure nombreux de voix s’échappait de la forêt. Je l’avais proprement coupé, mais quand, me trouvant face à face avec lui, je recouvrai mon sang-froid, le danger m’apparut sous son jour véritable. Il était loin d’être passé. Qu’arriverait-il s’il se mettait à