d’abord. « Il vaut mieux, fit-il gravement, que je m’éclipse sans bruit. Je ne puis rien faire de plus pour Kurtz maintenant, et ils auraient bientôt fait d’inventer quelque prétexte… Qu’est-ce qui les arrêterait ?… Il y a un poste militaire à cinq cents kilomètres d’ici. » — « Ma foi, répondis-je, peut être vaut-il mieux que vous vous en alliez, si vous avez des amis parmi les sauvages de ce pays… » — « J’en ai quantité, reprit-il. Ce sont des gens simples et je n’ai besoin de rien, voyez-vous… » Il demeura un instant à se mordiller la lèvre. « Je ne souhaite aucun mal à ces blancs, continua-t-il ensuite, je songe avant tout à la réputation de M. Kurtz, mais vous êtes un marin, un frère et… » — « Ça va bien », répondis-je après un instant. « La réputation de M. Kurtz ne court avec moi aucun risque… » Je ne savais pas à quel point je disais vrai…
Il m’informa alors, en baissant la voix, que c’était Kurtz qui avait donné l’ordre d’attaquer le vapeur. « L’idée d’être emmené, parfois lui faisait horreur et parfois aussi… Mais je n’entends rien à ces questions… Je suis une âme simple. Il pensait qu’il vous ferait battre en retraite et que vous abandonneriez la partie, le croyant mort. Impossible de l’arrêter… Oh, j’ai passé de durs moments ce dernier mois… » — « C’est possible, fis-je, mais il est raisonnable maintenant. » — « Vous croyez ? » murmura-t-il d’un air pas très convaincu.