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et dégagée de toute broussaille. Un long bâtiment délabré apparaissait au sommet, à demi enfoui sous les hautes herbes ; de grands trous, dans la toiture conique, béaient tout noirs ; la brousse et la forêt formaient l’arrière-plan. Il n’y avait ni clôture ni palissade d’aucune sorte, mais sans doute en avait-il existé une autrefois, car près de la maison, une demi-douzaine de minces poteaux demeuraient alignés, grossièrement équarris et ornés à l’extrémité de boules sculptées. Les barreaux ou ce qui avait dû les réunir, avaient disparu. Bien entendu, la forêt entourait le tout, mais la berge était dégagée et au bord de l’eau j’aperçus un blanc, sous un chapeau pareil à une roue de voiture, qui nous faisait signe avec persistance de toute la longueur de ses bras. En examinant la lisière de la forêt, j’eus la quasi-certitude d’y discerner des mouvements ; des formes humaines glissant çà et là. Prudemment je dépassai l’endroit, ensuite je stoppai les machines et me laissai dériver. L’homme blanc sur la rive se mit à nous héler et à nous presser de descendre. — « Nous avons été attaqués, » cria le Directeur. — « Je sais, je sais, tout va bien ! » hurla l’autre du ton le plus jovial. « Débarquez ! Tout va bien !… Je suis heureux !… »

« Son aspect me rappelait quelque chose, quelque chose d’étrange que j’avais déjà vu quelque part. Tout en manœuvrant pour accoster, je me demandais : à quoi donc ressemble-t-il ? Et tout à coup