Page:Conrad - Jeunesse, suivi du Cœur des ténèbres, 1925.pdf/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’essaie ni d’excuser, ni d’expliquer ; je tente seulement de me rendre compte pour… pour M. Kurtz, pour l’ombre de M. Kurtz. Ce fantôme initié, surgi du fond du Néant, m’honora d’une confiance surprenante avant de se dissiper définitivement. Tout simplement parce qu’il pouvait parler anglais avec moi. Le Kurtz en chair et en os avait reçu une partie de son éducation en Angleterre, et — comme il eut la bonté de me le dire, — ses sympathies restaient fixées au bon endroit. Sa mère était à demi-Anglaise, son père, à demi-Français… Toute l’Europe avait collaboré à la confection de Kurtz, et je ne tardai pas à apprendre qu’avec beaucoup d’à-propos, la Société Internationale pour la Suppression des Coutumes Barbares l’avait chargé de faire un rapport destiné à l’édification de cette Compagnie. Et il l’avait écrit, ce rapport ! Je l’ai vu. Je l’ai lu. C’était éloquent, vibrant d’éloquence, mais je le crains, un peu trop sublime. Il avait trouvé le temps d’y aller de dix-sept pages d’écriture serrée. Mais sans doute était-ce avant que sa… — mettons avant que ses nerfs se fussent détraqués et l’eussent amené à présider certaines danses nocturnes, se terminant sur je ne sais quels rites innommables dont ce que j’appris çà et là me fit conclure bien malgré moi que c’était lui — lui, M. Kurtz — entendez-vous, qui en était l’objet. Ah ! c’était un fameux morceau, ce rapport. Le paragraphe