est propre — de peur que le nôtre ne devienne pire… Elle ne pouvait qu’être en dehors de cela… Vous auriez dû entendre la carcasse déterrée de M. Kurtz parler de « Ma Fiancée ». Vous auriez compris à l’instant jusqu’à quel point elle était étrangère à tout cela… Et cet immense os frontal de M. Kurtz !… On dit que le poil parfois continue de pousser ; mais la calvitie de ce… de ce spécimen était impressionnante. La sauvagerie l’avait caressé sur la tête, et celle-ci était devenue pareille à une boule, à une boule d’ivoire… Elle l’avait caressé, et il s’était flétri ; elle l’avait saisi, aimé, étreint, elle s’était glissée dans ses veines, elle avait consumé sa chair et avait scellé son âme à la sienne par les indicibles sacrements de je ne sais quelle initiation diabolique. Il était son favori, choyé et chéri… De l’ivoire ! Ah, je pense bien… Des tas, des montagnes d’ivoire… La vieille baraque de glaise en éclatait !… On eût juré qu’il ne restait plus une seule défense dans le pays, ni sur le sol ni en-dessous… — Pour la plus grande partie fossile, — avait déclaré le Directeur d’un ton de dénigrement. Il n’était pas plus fossile que moi, mais on l’appelle fossile quand il a été déterré. Il paraît que ces nègres enfouissent parfois leurs défenses ; mais apparemment ils ne les avaient pas enterrées assez profondément pour épargner à l’habile M. Kurtz sa destinée. Nous en remplîmes le vapeur et il fallut en outre en empiler
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