Une fusillade éclata sous mes pieds. Les pèlerins avaient ouvert le feu avec leurs Winchester et faisaient gicler le plomb dans cette brousse. Un gros nuage de fumée monta et se répandit lentement sur le fleuve. Il m’arracha un juron. Impossible de distinguer désormais ni la ride ni l’épave. Je me tenais sur le pas de la porte, et les flèches s’abattaient par essaims. Elles étaient peut-être empoisonnées, mais à les voir, on ne les eut pas cru capables de faire du mal à un chat… La forêt à ce moment commença à hurler. Nos bûcherons à leur tour poussèrent une clameur de guerre, et la détonation d’un fusil tout juste derrière mon dos m’assourdit. Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule et l’abri de pilote était encore plein de bruit et de fumée au moment où je m’élançai d’un bond sur la barre. Mon animal de nègre avait tout lâché pour ouvrir le volet et décharger le Martini-Henry. Il se tenait debout devant la large baie : l’air féroce, je lui criai de reculer tout en parant d’un coup de barre au crochet subit que le vapeur venait de faire. Il n’y avait pas assez de place pour tourner même s’il l’avait fallu : l’épave était quelque part devant nous, tout près, cachée par cette sacrée fumée ; il n’y avait guère de temps à perdre, aussi bien je piquai droit sur la rive où je savais que l’eau était profonde.
« Nous passâmes, lentement, au travers des broussailles retombantes, dans un tourbillon de